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« Nos entreprises sont confrontées à des risques croissants et se doivent d’être en alerte »

Cédric Lewandowski est depuis quelques mois le nouveau président du Club des directeurs de sécurité (CDSE) ; il revient sur son parcours, les missions du CDSE et les défis sécuritaires à venir.

Vous avez été élu à la tête du Club des directeurs de sécurité (CDSE) à la fin de l’année 2023. Quel a été votre parcours?

Cédric Lewandowski : Après un diplôme de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris en 1990 et un DEA de géopolitique de l’université Paris-VIII, j’ai eu un parcours très varié.

Après plusieurs postes en collectivité territoriale, à l’Assemblée nationale et au Sénat, c’est en 1997, à l’occasion de la nomination d’Alain Richard comme ministre de la Défense, que j’ai rejoint pour la première fois ce ministère, comme chef adjoint du cabinet civil et chargé des relations avec le Parlement.

En 1998, j’ai été nommé chef du cabinet du président d’EDF, François Roussely (qui deviendra le premier président du CDSE en 2007 et jusqu’à 2011). Après différents postes au sein du groupe EDF, j’ai de nouveau rejoint le ministère de la Défense comme directeur du cabinet civil et militaire du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

En 2017, j’ai retrouvé EDF comme directeur exécutif du groupe en charge de la direction Innovation, Stratégie et Programmation, et, depuis juillet 2019, je suis à la tête de la direction du parc nucléaire et thermique. Je suis par ailleurs président du Conseil d’administration d’Électricité de Strasbourg depuis février 2018.

 

Pouvez-vous nous rappeler rapidement les missions du CDSE ?

C.L. : Le CDSE est une association loi 1901 à but non-lucratif qui rassemble, depuis 1995, les principales entreprises françaises privées et publiques (issues de 48 secteurs d’activités et présentes à l’international dans plus de 180 pays). Ces entreprises sont représentées au sein du Club par leur directeur de la sécurité ou de la sûreté.

Le CDSE a comme objectifs :

  • d’être un lieu d’échanges de connaissances, de partage d’expériences, de coopération des responsables de la sécurité des entreprises ;
  • de contribuer à la définition et à l’élaboration des concepts, doctrines et outils de référence de la fonction de directeur de la sécurité-sûreté ;
  • de veiller au lien relationnel entre les entreprises, les autorités nationales, européennes ou internationales dans le domaine de la sécurité ;
  • de participer activement au dialogue entre l’État, les acteurs économiques et le monde académique dans le domaine de la sécurité ;
  • de développer des liens avec les associations nationales et internationales traitant des questions de sécurité.

Il collabore entre autres avec les services du Premier ministre, du ministère de l’Intérieur, du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ou encore du ministère des Armées. Il est aussi membre associé du MEDEF.

Les membres du CDSE représentent les premiers donneurs d’ordre en matière de sécurité privée, les grands utilisateurs des technologies de sécurité et les principaux importateurs et exportateurs de l’économie française. Tous ces membres ont appris à travailler ensemble, à co-produire, dans un climat de confiance, alors même que certains sont en concurrence.

 

Vous avez récemment déclaré que vous souhaitiez faire de la fonction sûreté-sécurité un « investissement à la rentabilité reconnue » pour les entreprises. Pouvez-vous nous expliquer ce parti-pris ? Comment reconnaître et faire valoir la sécurité comme un investissement ?

C.L. : La fonction sûreté-sécurité a été initialement perçue comme un simple coût pour l’entreprise. Le CDSE a ensuite contribué à des réflexions sur le fait d’identifier la fonction sécurité-sûreté comme un « partenaire business » tout en réfléchissant à la notion de coût évité.

Je souhaite amplifier les travaux et actions pour que cette fonction soit réellement considérée comme un investissement, à la rentabilité reconnue, et même un avantage concurrentiel, au même titre que les exigences liées à la RSE. De plus, depuis deux ou trois ans, les agences de notation financière posent des questions sur le niveau de protection des entreprises, tant pour les biens matériels qu’immatériels. Les directions financières vont donc être obligées de travailler le sujet. Ces questions apparaissent également dans les notations extra-financières.

 

Quelles sont selon vous les perspectives à venir en matière de sécurité ?

C.L. : Les adhérents du CDSE partagent le constat que, dans un monde en plein bouleversement où l’incertitude se développe, où les interdépendances sont fortes, nos entreprises sont confrontées à des risques croissants et se doivent d’être en alerte. Elles peuvent être la cible d’attaques de la part d’individus, de concurrents, d’organisations terroristes, criminelles ou de gouvernements.

Présentes dans plus de 180 pays, les entreprises adhérentes au CDSE sont nécessairement en relation étroite avec des sociétés de ces pays et sont susceptibles de retenir l’attention de leurs services de renseignements. 

Les menaces sont très variées : les cyberattaques, la fraude et la contrefaçon, les actions de déstabilisation des États en utilisant par exemple leur législation anti-corruption, les mesures d’extra-territorialité du droit et le lawfare*, les prises de capital et rachats hostiles, les risques normatifs encore largement sous-estimés, les risques internes liés à la radicalisation, les risques réputationnels et de manipulation de l’information, les risques de contamination de la supply chain par les grands groupes criminels transnationaux, les risques sanitaires et environnementaux, les dépendances technologiques, etc.


Quel l’apport le CDSE peut-il avoir sur ces sujets ?

Dans ce contexte, les activités du CDSE comme l’intelligence économique, la cyber, la géopolitique, la lutte contre la fraude, la continuité d’activité ou la protection des infrastructures sont plus que jamais essentielles. Le CDSE se positionne comme un acteur engagé dans la protection de notre souveraineté et participe à la réflexion collective sur ce sujet.

Le CDSE se veut un partenaire de confiance et recommande la création d’un « cercle de confiance » instituant les directeurs de sécurité comme interlocuteurs privilégiés des forces régaliennes et de l’État dans l’entreprise, permettant un partage d’informations bâti sur le secret professionnel. Une telle mesure serait de nature à donner définitivement corps au continuum de sécurité, au service d’une sécurité nationale optimale. Il est fondamental que la coopération soit continue et renforcée entre l’État et les entreprises.

Par ailleurs, nous assistons à la mise en œuvre d’un cadre réglementaire européen qui encourage les entités critiques à passer d’une logique de protection à une logique de résilience. Alors que deux directives majeures doivent être transposées cette année (NIS2 et REC), le CDSE agit pour la coordination des réflexions et des échanges avec les services de l’État concernés et accompagne le processus auprès de ses adhérents.

Enfin, la numérisation accrue des sociétés impose de repenser le fonctionnement de la fonction sûreté-sécurité.

La protection de nos entreprises passe de plus en plus par une sécurité numérique maîtrisée en bonne intelligence avec nos collègues directeurs des systèmes d’information. L’IA est le nouvel horizon de ce risque que les directions sécurité-sûreté doivent apprendre à maîtriser.

 

Comment le CDSE entend-il répondre à ces enjeux ?

C.L. : Il est nécessaire d’une part de densifier et de continuer la professionnalisation de la filière sécurité-sûreté en entreprise et de poursuivre les efforts de féminisation. D’autre part, il est impératif de créer en France une culture de la sécurité économique au sein chaque entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d’activité, le renforcement de la sensibilisation des ETI**-PME étant essentiel pour la sécurité globale de la chaîne économique. Le CDSE y prendra sa place aux côtés de ses partenaires institutionnels et patronaux.

 

* Lawfare : La guerre juridique, guerre du droit ou les usages stratégiques du droit

** entreprise de taille intermédiaire

 

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