La mutation profonde d’un métier est en train de s'opérer : hier, l'agent de sécurité privée pouvait être réduit à une caricature de videur de boîte de nuit, aujourd’hui, il utilise les outils de l'intelligence artificielle.
La sécurité privée, un secteur à fort enjeu pour les pouvoirs publics
Au mois d'avril 2020, le gouvernement devrait publier un Livre blanc de la sécurité intérieure. Ce document est le prélude à une loi d’orientation et de programmation qui sera destinée, entre autres, à mieux réglementer le secteur privé pour accorder à celui-ci davantage de place dans le pays. Tout cela en accordant la considération qu'ils méritent aux agents de sécurité. Les premiers éléments qui filtrent de la rédaction du Livre blanc, sous le pilotage de Laurent Nuñez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, sont encourageants.
« La démarche est sérieuse et ne devrait pas accoucher d’un document de circonstance », affirme Guillaume Farde interrogé par Securitas. Maître de conférences à Sciences-Po, où il exerce la fonction de conseiller scientifique de la spécialité sécurité-défense, cet expert se félicite que le Livre blanc développe quatre axes de travail, dont un sur le continuum de sécurité, c'est à dire sur le devenir de la sécurité privée. « Cela montre qu’il y a une véritable prise de conscience des problématiques actuelles par les pouvoirs publics, comparé au dernier Livre blanc paru en 2011, lequel n'abordait presque pas la question », fait-il remarquer.
Dans les années 1970 et 1980, la sécurité incendie avait été professionnalisée sous la pression des compagnies d’assurance. Cela lui a réussi : aujourd’hui, elle représente un domaine d’activité attractif qui offre de réelles perspectives de carrière aux agents de sécurité incendie, dans des métiers normés et standardisés.
Des coopérations qui élargissent les missions des agents de sécurité
Pour le métier d'agent de sécurité, il a fallu attendre les années 1990 et le développement des grands événements sportifs et culturels de masse pour que la sécurité privée commence à être perçue comme une force d’appoint valorisante, si bien que l'effectif salarié du secteur approche aujourd'hui les 170 000 salariés.
« À l’époque, le marché a connu une première croissance significative, qui s’est poursuivie dans les années 2000 avec la réforme de l’État et la réduction drastique des postes dans la police et la gendarmerie. Par un effet mathématique, la sécurité privée a alors connu un appel d’air, en particulier pour la surveillance humaine des bâtiments publics », rappelle Guillaume Farde.
Différentes formes de coopérations entre sécurité publique et sécurité privée ont peu à peu vu le jour. Les agents de sécurité ont commencé à voir leurs missions s'élargir au-delà du cas classique de surveillance des bureaux ou des usines. On les a vus apparaître dans les stades et les salles de concert, ou encore dans les événements accueillant de grands rassemblements, comme les marchés de Noël ou les feux d'artifice.
En 2012, la création du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), organisme destiné à encadrer et à moraliser la profession, a posé les jalons d’un avenir mieux structuré.
Le tournant des attentats de novembre 2015
C’est dans ce contexte que se sont produits les attentats de 2015. « Il y a eu une soudaine accélération de l’Histoire. Le 13 novembre, c’était l’horreur au Bataclan. Dès le lendemain, tous les donneurs d'ordre se sont mis à demander davantage d’agents de sécurité privée, provoquant un choc de la demande », analyse notre expert.
Brusquement, les collectivités locales ont réalisé l'ampleur des besoins pour assurer la sécurité du public sur leur territoire, au point qu’en 2017, la loi sur la sécurité publique a permis aux agents de sécurité privée d'être armés sous condition. Une évolution qui aurait été impensable cinq ans plus tôt et qui donne désormais au métier d'agent de sécurité une toute autre dimension, avec toutes les compétences que cela suppose.
C'est ainsi que les entreprises du secteur se sont mises à développer leurs propres centres de formation, suivant l’exemple de Securitas qui a toujours eu ses propres centres de formation à la sûreté et à la sécurité. Ces centres complètent ainsi les enseignements traditionnellement dispensés dans le cadre du Certificat de qualification professionnelle Agent de prévention et de sécurité (CQP‑APS).
L’agent de sécurité du futur sera « augmenté »
Il reste maintenant à définir un rôle officiellement valorisant à la sécurité privée, afin que celle-ci n’apparaisse plus comme une solution palliative aux déficiences de la sécurité publique.
« La question est de savoir si à l'avenir, on autorisera l'agent de sécurité à faire autre chose que la surveillance humaine, conclut Guillaume Farde. Si l’on veut revaloriser la filière, il faut la faire monter en compétence, afin que les donneurs d’ordre acceptent de payer mieux les services de sécurité privée, ce qui permettra aux entreprises d’améliorer leurs marges et d’offrir des perspectives de carrière intéressantes aux agents de sécurité. »
Certaines entreprises comme Securitas l’ont compris depuis longtemps, en s’orientant vers l’humain « augmenté », grâce à l’intelligence artificielle. Cela veut dire que demain, l’agent de sécurité sera équipé de toutes sortes d'outils technologiques, comme les gants détecteurs de métaux qui ont récemment fait leur apparition dans la profession.
Il devra, dans certains cas, être en mesure d'analyser les anomalies relevées par des robots patrouilleurs. Cela signifie aussi qu'il pourra être amené à maîtriser les techniques de physionomie pour détecter à l'avance les conduites à risque. Un nouvel univers s'ouvre à lui, avec des perspectives de parcours professionnels attractifs.